Estimé à 3 %, le taux d’échange entre les pays de la zone CEMAC est très faible. À côté des textes bien constitués et de la volonté politique des chefs d’États, la corruption des agents, le manque criard d’infrastructures et le mauvais entretien du réseau existant constituent les goulots d’étranglement de la libre circulation.
Sur le terrain, les pays de la Communauté économique et monétaire des États de l’Afrique centrale (CEMAC), peinent à voir leurs richesses passer d’une frontière à une autre, pour le bien-être de leurs populations qui importent presque tout d’Asie, d’Europe et d’Amérique y compris les biens en abondance dans leur propre sous-région, comme la viande de bœuf. Selon le Syndicats national des transporteurs routiers du Cameroun (SNTRC), on compte plus de 100 postes de contrôle entre le Cameroun, la Guinée Équatoriale et le Congo et 120 barrières de douane et de sécurité dans le corridor qui relie Douala à N’Djamena, long de 2 977 km. Ces postes de contrôle incluent la police, la gendarmerie, les douanes et les services de protection de la faune. Chaque camionneur verse entre 1 000 et 5 000 FCFA par poste de contrôle, soit en moyenne 175 milliards de francs CFA par an pour les 78.000 camions.
Les transporteurs n’ont pas fini d’être éprouvés dans les corridors de la CEMAC. Les États tentent de justifier la présence interminable de poste de contrôles routiers par l’insécurité et la menace terroriste qui pèsent sur l’ensemble de la sous-région, avec la secte terroriste Boko Haram dans le Bassin du Lac Tchad et les mercenaires présents à la frontière entre la République centrafricaine et le Tchad. « La police, étant un garant de la sécurité tant intérieure qu’extérieure, elle doit jouer son rôle, surtout lors des contrôles routiers, pour sécuriser les marchandises provenant des pays tiers », souligne Honoré Sayi le ministre des Transports de l’aviation civile et de la marine marchande du Congo, en visite de travail en Guinée Équatoriale, le 28 mai dernier, pendant que le pays abritait les travaux des 42e réunions des Comité techniques de l’Association de gestion des ports d’Afrique de l’Ouest et du Centre(AGPAOC) à Djibloho. Pour lui, le sécuritaire devrait se lier aux transports pour la matérialisation du libre-échange.
Le drame des infrastructures
À côté des textes bien constitués et de la volonté politique des chefs d’États, l’absence criarde d’infrastructures et le mauvais entretien du réseau existant constituent les grands goulots d’étranglement de la circulation des marchandises en zone CEMAC. Les fortunes très variées des pays de la communauté restent un grand frein. « La Guinée-Équatoriale se démarque à grand pas dans l’évolution des travaux favorisant le libre-échange avec la construction de nombreuses infrastructures », souligne Honoré Sayi. Malabo a déjà en effet interconnecté par des autoroutes de dernière génération tous les pays frontaliers de la Guinée Équatoriale depuis de nombreuses années.
Les autres États attendent beaucoup du Programme de réforme économique et financier sous régional, en abrégé PREF-CEMAC, lancé en 2019 qui prévoit la mise en place de 11 projets intégrateurs d’une valeur de 2 205 milliards de FCFA ; parmi lesquelles des projets routiers d’interconnexion dans différents États. On enregistre à date un taux de démarrage de 70 % de ceux-ci. Le 22 mai dernier, on a assisté au début de la construction et du bitumage de la route Ouesso-Pokola, qui se prolonge jusqu’à Bangui. Financé par la Banque de développement des États de l’Afrique centrale(BDEAC), ce projet est évalué à hauteur de 99,7 Milliards de FCFA. L’aménagement de cette route longue de 47 km est l’un des projets les plus récents. Depuis décembre 2021, Yaoundé est reliée à Brazzaville. Environ 331 km de route bitumée ont été construites pour relier la ville camerounaise de Sangmelima à celle de Ouesso au Congo.
Un peu d’espoir
Le ministre des Transports, des postes et TIC de la Guinée Équatoriale, Honorato Evita Homa se veut rassurant quant à l’avenir et affirme que ses homologues sous-régionaux de « la sécurité sont en train de prendre toutes les démarches nécessaires pour renforcer la sécurité le long des corridors ». La Guinée-Équatoriale envisage la mise en place d’un système de suivi des marchandises par satellite pour réduire drastiquement les contrôles de son côté. « On est en train d’étudier la possibilité d’incorporer les dispositifs de tracking des véhicules dès la sortie des ports jusqu’à la frontière » déclare Honorato Evita Homa. Il souhaite également que les autres Etats de la CEMAC puissent entreprendre les mêmes démarches « afin que les marchandises soient suivies de la même manière » et les obstacles levés.
Le Congo annonce avoir réduit, en 2022, ses postes de contrôle routier. « Nous sommes en train de bâtir pour l’instant ce qu’on appelle les corridors conventionnés et nous travaillons dans la construction des institutions qui vont s’occuper de la gestion des frets maritimes et aériens » précise le ministre des Transports du Congo.
Honorato Evita Homa souhaite une meilleure collaboration des ministres des transports et du commerce. « Pour espérer voir s’appliquer le libre-échange, il faut que les ministres des Transports de la zone CEMAC travaillent ensemble pour matérialiser la vision des chefs d’États », soutient-il.
« Les acteurs du secteur privé devraient être le principal moteur de cette libre circulation tant souhaitée. Ils devraient également se tenir la main pour trouver des stratégies pouvant favoriser le libre-échange », souhaite Honorato Evita Homa qui ajoute que « les gouvernements ne doivent être que des facilitateurs du commerce et de la création de richesse ».
Au cours de ces dernières années, plusieurs mécanismes ont déjà été prônés. Malgré cela, la politique de libre circulation tant espérée reste toujours conditionnée par l’implication de certains pays qui traînent encore le pas.